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Loup Vanier - Homme des bois

“Homme des bois”, c’est la phrase brodée sur l’un de mes pulls préférés. Comme les enfants qui ont un tee-shirt fétiche qu’ils ne veulent pas quitter même quand il devient trop petit, j’arbore fièrement ce sweat aussi bien dans les rues de Paris qu’à la chasse. Dois-je avouer que je l’ai même en plusieurs couleurs ?

Si l’habit ne suffit pas à faire le moine, on peut ajouter mon prénom, prédestiné à en croire mon côté un peu sauvage... un trait de caractère bien marqué chez moi selon ma mère qui me répète que tout petit déjà je passais mes journées dehors (et elle à me courir derrière !) sans avoir jamais froid, multipliant les cabanes dans les arbres, escaladant, explorant, curieux de tout et très indépendant. Je ne parlais pas beaucoup car j’étais dans l’action ou trop occupé à observer et contempler tout cette nature qui m’entourait. Mon père m’a d’ailleurs confié être étonné de la capacité que j’avais très jeune à attendre en silence qu’arrivent enfin des animaux quand il m’emmenait avec lui au mirador ; et avoue ne pas avoir été surpris de me voir partir seul, si jeune et aussi confiant, dès que j’ai eu l’âge de” raison”, arpenter des heures durant les plaines et les sous-bois, quand mes cousins ou les autres gamins s’arrêtaient après l'étang où quand on ne voyait plus la maison au loin. J'étais dans mon élément et ce milieu m’est vite devenu si familier que je pense avoir appris très tôt à ressentir les choses. En habitant la nature, je comprenais comment les animaux interagissaient avec leur environnement et ça me passionnait... À tel point que je donnais l’impression, m’a-t-on souvent dit d’être coupé de la réalité, voire de vivre dans un autre monde.

Pour l’anecdote, Lili ma maitresse de CM2 avait dit à ma mère que de temps à autre elle devait me laisser “partir”, elle sentait qu’elle me perdait et que c’était pour elle aussi peine perdue de me punir ou de me réprimander. Alors elle me laissait vagabonder et attendait... que je revienne de moi-même.

Rester plusieurs heures assis à l’école, devant la télévision, ou jouer aux petites voitures, ça allait deux minutes, il fallait que j’aille dehors ou faire du sport.

De fait, j’ai la chance d’être très agile, (pour rappel je grimpais partout), et particulièrement adroit. J’ai essayé le golf (très) jeune, par imitation, et progressé (très) vite. Ce jeu d’extérieur me convenait parfaitement puisque je marchais des heures, concentré, dans ma bulle. Mais si l'on n'a pas besoin de beaucoup parler, cela n’empêche pas de se challenger et de vouloir gagner.

C’est à ce moment-là que j’ai découvert que j’étais un compétiteur et que j’avais le mental pour performer. Alors qu’à l’âge de 11 ans, nous avons dû quitter la Sologne pour vivre la semaine à Paris, ce qui ne me réjouissait guère, vous vous en doutez, j’ai heureusement réussi à intégrer une école qui proposait une section sport étude en golf. J'avais un très bon coach qui croyait en moi et m’a emmené jusqu’aux championnats de France. Ce sport finalement m’a permis de m’ouvrir aux autres, car à un certain niveau, on se déplace avec son club et on joue aussi bien en équipe qu’en individuel. Je m’investissais tellement, j’avais tellement la gagne que j’étais le plus souvent plébiscité pour être capitaine d'équipe, un comble quand on y pense, moi l’enfant sauvage !  Jusqu’à mes 18 ans, j’ai ainsi partagé mes week-end entre la chasse et les compétitions, j’envisageais même d'en faire mon métier. Et puis l’année du baccalauréat est arrivée, j’ai dû choisir entre partir aux États-Unis poursuivre ma carrière de golfeur vers un futur très incertain et oublier la chasse, ou bien rester en France pour faire une école d’ingénieur.  

J’ai choisi la deuxième option... moi qui suis d’un tempérament passionné, ce fut peut-être ma première sage et raisonnable décision. Après toutes ces années où je partageais mes weekends entre les compétitions et la chasse, j’ai eu plus de temps “libre” et (tardivement) découvert les joies des sorties parisiennes : les bars, le cinéma, les boîte entre amis, la drague... En devenant plus sociable, j’ai aussi surmonté cette réticence à parler de ma vie et de mes passions : ces joies qu’apporte la nature et qui laissent beaucoup de citadins pure souche très... sceptiques. Et j’ai vite repéré dans mes potes ceux qui étaient potentiellement compatibles avec l’autre Loup, celui que je redeviens dès que je retrouve notre coin de nature sauvage... d’ailleurs ils sont toujours mes amis aujourd’hui.

C’est donc à ce moment que j’ai décidé pour la première fois d’emmener mes amis dans notre maison familiale, pour leur faire découvrir mon univers. Eux-mêmes appréhendaient - je le sais car on en rigole aujourd’hui - “qu’allaient-ils venir faire dans ce trou paumé, ne risquaient-ils pas de se sentir largués ? Tout s’est bien passé, le casting était le bon et tous ont rapidement pris un grand plaisir à venir pêcher, chasser, aménager le territoire, observer, etc.…  

Pour ma part, j’ai découvert mon goût du partage. Pouvoir transmettre à mon tour ce que mon père m’avait appris ou que j’avais pu observer par moi-même me réjouissait. C’est ce même plaisir à partager une passion que j’ai retrouvé avec ma sœur Montaine pendant le confinement. Après mes 5 années d’écoles d’ingénieur, j’étais en poste comme chef de projet chez EDF ENR et je savais déjà que cela ne me passionnerait pas toute ma vie et c’est ainsi, au fil de nos discussions, perchés en haut de miradors à observer les sangliers, cerfs et chevreuils qu’est née l’idée de Tuchassou.

L'idée est simple : Quelles chances avons-nous dans ce contexte sanitaire (covid + confinement) d’avoir accès facilement et simplement à un territoire pour découvrir ou pratiquer toutes ces activités géniales, largement méconnues et par voie de conséquence souvent très critiquées. La critique ne vient-elle pas justement de là ? N'est-ce pas à nous, ruraux, d’ouvrir la nature pour que tout le monde puisse en jouir et mieux la comprendre ?

L’objectif originel était l’ouverture des territoires mais en poussant la réflexion, nous avons considéré le cas de mes amis qui avaient découvert la chasse 7 ans plus tôt et partant de là, compris quel était réellement le besoin. Sans connaissance ni réseau dans un monde, il faut l’avouer, un peu fermé (souvent d’ailleurs car il est sous le feu des critiques), il leur était très difficile de trouver de nouveaux territoires pour pratiquer leur passion.

Les chasseurs peinent à trouver des lieux accessibles et les présidents de chasse ont, eux du mal à renouveler leur équipe vieillissante

80% du territoire Français est chassé. Pourtant les chasseurs peinent à trouver des lieux accessibles et les présidents de chasse ont, eux du mal à renouveler leur équipe vieillissante, cela rappelons-le encore, dans un contexte où la chasse est, parfois à raison, perçue comme un loisir de riches peu concernés par les animaux et la nature.  

Personnellement, j’ai la chance d’évoluer dans un milieu où la chasse est toujours pratiquée avec raison, discernement et respect. C'est sans compter l’héritage de ma famille et de mon père qui a lui-même pendant de nombreuses années, chassé comme les Indiens et les inuits, une chasse survie, en pleine conscience, qui tient compte des limites de ce que la nature peut offrir. Une logique de prélèvement que je m’applique d’abord à moi et une façon de chasser que je pense avoir réussi à transmettre à ceux que j’ai côtoyés. Or aujourd’hui, il est plus facile de trouver des chasses commerciales avec des tableaux démentiels que des chasses familiales ou de copains où la convivialité reste une des motivations principales et où le moment passé dans la nature prime sur le tableau.  

C’est ainsi qu’est né Tuchassou, le projet que l’on porte avec ma sœur, afin d’aider des chasseurs et des territoires partageant la même vision de la chasse à se mettre en relation pour vivre leur passion, sans jamais perdre de vue que la chasse est avant tout une histoire d’amis, et que le résultat n’est qu’un bonus.

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